Histoire Des Libertines (80) : Femmes Libres D’Hollywood (11) Rita Hayworth, Tumulte Et Tragédies.

Rita Hayworth (1918-1987), née Margarita Carmen Cansino, est l'un des grands sex-symbols féminins des années 1940. Surnommée « la déesse de l’amour », elle devient une actrice mythique du cinéma américain.

Rita Hayworth flamboie pour toujours au firmament des stars. Sur les écrans du monde entier, elle est et restera Gilda, la Dame de Shanghai, celle par qui le scandale arrive, la femme fatale, instrument du destin des hommes qui ont le malheur de la croiser. Cinq maris, une pléthore d'amants célèbres, Rita offre de quoi alimenter la chronique. Pourtant, elle portait de lourds secrets et ne rêvait que d'être une femme au foyer.

FILLE DE LA DANSE : UNE ENFANCE TERRIBLE

Son père, Eduardo, d’origine espagnole, et sa mère, Volga Hayworth, étaient tous les deux danseurs.

Rita monte sur scène dès l’âge de 4 ans. Son père, qu’elle admire, exige d’elle un travail intense et lui impose des cours de danse rigoureux et particulièrement contraignants.

Avec l’arrivée du parlant, l’âge d’or du music-hall se termine et leurs spectacles ne font plus recette, tant et si bien que le groupe se dissout. Eduardo quitte New York, entasse sa famille dans une roulotte et part au hasard des routes. Persuadé que l’avenir est aux comédies musicales, il prend la direction de Los Angeles, espérant poursuivre sa carrière au cinéma.

Les besoins financiers se faisant sentir, Eduardo met sur pied des spectacles et décide de prendre sa fille, alors âgée de treize ans, comme partenaire attitrée.

Alcoolique, Eduardo devient tyrannique, violent et, comme elle le confiera plus tard à Orson Welles, son second mari, Rita subira des relations ueuses.

FIGURANTE

Winfield Sheehan, vice-président de la Fox Film Corporation, remarque l’adolescente de quinze ans « à la timidité qui faisait peine à voir », lors d’un passage à Tijuana. Il assiste au numéro de Rita et, séduit par son charme et sa silhouette, lui fait passer des essais au studio de la Fox à Hollywood.

Les tests sont plus que concluants, et Sheehan lui fait signer un contrat, à condition qu’elle change son prénom en Rita, qu’elle suive un régime et qu'elle prenne des leçons de diction et de maintien.

Après avoir été figurante dans plusieurs films, Rita subit la rupture de son contrat, lorsque la Fox fusionne avec la 20th Century Pictures.

STARLETTE DE SERIE B ET HARCELEE

Rita rencontre alors Edward C. Judson, un obscur homme d'affaires arriviste, qui propose à Rita, fragilisée par la perte de son contrat, de s’occuper de sa carrière, pour tenter de la propulser dans le cinéma. Très vite, il lui trouve des contrats dans des sociétés de petite envergure qui produisent des films de série B.

Étouffée par son père et sa mère, Rita prend ses distances avec sa famille et, en 1937, à 19 ans, elle épouse Judson, de vingt ans son aîné, ce qui lui permet d'échapper à l’enfer familial. Dès lors, Judson la métamorphose. Il lui fait prendre des cours de diction, la persuade de changer totalement sa façon de se vêtir, de se mettre à la diète, d’avoir recours à la chirurgie esthétique pour creuser l’ovale de son visage. Rita est trop brune et trop typée. Après des semaines de avec les séances d’électrolyse pour redessiner l’implantation de ses cheveux, il les lui fait teindre en auburn.

Poursuivant ses plans, il la présente entre-temps à Harry Cohn (1891-1958), le patron de la Columbia Pictures qu’il connaît bien. Le producteur tombe sous le charme de la belle starlette et lui fait signer un contrat de sept ans. Il prend en charge les frais pour parachever sa transformation et change son nom de Cansino pour le nom de sa mère, Hayworth, afin de faire plus distingué. Elle apparaît pour la première fois sous son pseudonyme en 1937.

Son premier mari, Edward Judson est un escroc et un mac : il l'incite à séduire tous les acteurs de renom. Il lui intime même l'ordre de coucher avec Harry Cohn. Mais celui-ci est trop laid.
Harry Cohn est un « digne » prédécesseur de Harwey Weinstein, dont le comportement a débouché sur le mouvement « Metoo ». Il était en effet célèbre pour son goût immodéré des actrices, lui qui harcela Joan Crawford ou Kim Novak. Il est très vite obsédé par Rita, qui refuse ses avances. Rita subit aussi bien une cour empressée que des humiliations répétées, Cohn lui faisant payer chèrement tous ses refus.

Cohn, déçu, frustré, la voit sortir avec Kirk Douglas, Tony Martin, Victor Mature, Tyrone Power, James Stewart. Il devient dingue, et truffe la loge de l'actrice de micros. Chaque soupir est enregistré. Rita Hayworth s'en aperçoit et décide d'en donner pour son argent à l'indélicat : elle a également une liaison avec Howard Hughes (nous en reparlerons un peu plus loin)et, en même temps, avec Mickey Cohen (1913-1976), gangster flamboyant.

Sur le plan professionnel, Harry Cohn est sûr de la valeur de Rita Hayworth en tant qu’actrice. Il continue cependant à la « prêter » à d’autres compagnies plus célèbres. Harry Cohn apprécie de voir son étoile gagner en célébrité : son investissement lui rapporte un pourcentage sur le salaire versé par les autres studios.

LA DEESSE DE L’AMOUR

En 1941, elle est amenée à remplacer Ann Sheridan dans le film de James Cagney, « La Blonde framboise ». Fraîche et pétillante, Hayworth va brillamment composer son personnage de séductrice, qui fait craquer son partenaire James Cagney, époux de la très sérieuse Olivia de Havilland.

Elle est désormais la femme dont les hommes rêvent et sur laquelle ils fantasment, image de séductrice qu'on retrouve dans ses films suivants. Le sex-symbol des années quarante est né.

En 1941, le photographe Bob Landry prend une photo de Rita qui la montre agenouillée sur son propre lit, en déshabillé de satin et dentelle noirs. Le cliché fait la couverture du grand magazine Life, et Rita obtient alors une popularité considérable auprès des G.
I. américains engagés dans la Seconde Guerre mondiale. C’est alors le règne des pin-up girls, et Rita Hayworth est sans doute la plus populaire auprès de ces soldats qui épinglent sa photo aux murs de leur chambrée durant la guerre. Pour soutenir le moral des troupes, Rita participe à l’« Hollywood Canteen » en dansant au bras des GI’s et visite des bases militaires et des hôpitaux, et fait une immense tournée auprès des soldats. On la voit en particulier en compagnie de Marlene Dietrich).

DIVORCE ET LIAISONS

En 1942, Rita divorce (enfin) d’un Edward Judson devenu menaçant, violent et d’une jalousie maladive. Les spéculations sur ses amours vont alors bon train. Outre une relation suivie avec son partenaire de « Mon amie Sally », Victor Mature (1913-1999), on lui prête des liaisons avec l’acteur britannique David Niven (dont nous avons déjà parlé à propos de Hedy Lamarr), Gilbert Roland (1905-1994), Tony Martin et toujours le collectionneur de conquêtes féminines (je citerai Joan Crawford, Ava Gardner, Jean Harlow, Katharine Hepburn, Lana Turner), le milliardaire Howard Hughes.

ORSON WELLES ET GILDA, « LA PLUS BELLE FEMME DES ETATS UNIS »

Le célèbre Orson Welles est fasciné par la fameuse photo de Rita parue dans le magazine Life et entreprend de séduire « la plus belle femme des États-Unis ». La star succombe à la passion et à la détermination de Welles : les deux célébrités finissent par se fréquenter assidûment.

Welles veut participer à l’effort de guerre en montant un spectacle de divertissement, le « Mercury Wonder Show », en produisant des numéros de variétés et de magie sous un chapiteau. Rita y participe avec une joie folle. Après quelques représentations de rodage, la première du spectacle doit avoir lieu en août 1943, mais la veille, Harry Cohn interdit à sa star de monter sur scène, car il ne supporte pas de la voir dans un spectacle qui pourrait la distraire du film qu’elle est en train de tourner.
Fou d’elle et bouleversé par sa détresse, Orson Welles lui propose le mariage, et c’est à la sauvette et en petit comité qu’a lieu la cérémonie, le 7 septembre 1943.

Rita, enceinte, est portant de plus en plus délaissée par son mari. Après une année d’absence et la naissance de sa première fille, Rebecca, en décembre 1944, Rita reprend le chemin des studios.

C’est alors qu’elle tourne son film phare, « Gilda », incarnation de la femme fatale et de son extraordinaire fascination érotique, où elle atteint son apogée. Dans une scène culte, Gilda, vêtue d’un fourreau noir, retire ses longs gants, en chantant l’incendiaire chanson « Put the blame on Mame » : ce « strip tease » suggéré reste un des sommets de l’érotisme au cinéma. Avec ce film, Rita Hayworth entre à jamais dans la légende cinématographique.

Malgré la naissance de sa fille, le mariage de Rita et d’Orson bat de l’aile, sans doute à cause du comportement d’Orson et de la jalousie maladive de Rita.

Alors qu’ils sont en instance de divorce, Orson Welles lui offre en guise de cadeau de rupture, son film : « La Dame de Shanghai ». Dans ce film, on accusa Welles d’avoir démythifié la femme américaine, de l’avoir dénoncée comme un monstre, une mangeuse d’hommes, une mante religieuse.

Le divorce est prononcé le 1er décembre 1948. Après « Gilda », un nouveau contrat est signé avec la Columbia qui lui donne une participation aux bénéfices, et les cachets de Rita deviennent considérables.

PRINCESSE ET ECHECS

En 1948, Rita Hayworth décide de partir quelque temps en Europe, loin des lumières de Hollywood.

Lors d’une fête à Cannes, Rita est présentée au prince Ali Khan (1911-1960). Un an plus tard, le 27 mai 1949, au terme d’une liaison placée sous le feu des tabloïds, Rita Hayworth devient princesse et se marie à Vallauris (Alpes-Maritimes), dans un faste purement hollywoodien.
Tout commence en juillet 1948. Cet été là, chaud et ensoleillé, est triste pour Rita Hayworth. La plus séduisante des girls d’Hollywood a trente ans et est adulée: ses longs cheveux roux, ses yeux émouvants, sa silhouette de vamp donnent des vapeurs à tous les spectateurs masculins du monde, et des humeurs de jalousie à toutes les femmes du cosmos. Les censeurs ne savent pas quoi faire devant cette image même du péché. Ils ont bien essayé de couper Gilda, deux ans auparavant, sous prétexte que le décolleté de la star était trop audacieux et ses épaules trop sexy, mais la production a réussi à démontrer que la robe était en fait sous-tendue par des baleines au niveau de la poitrine, et que seul un maquillage habile soulignait la séparation des seins (qu’il est alors interdit de montrer à l’écran).

Mais, quand elle ne tourne pas, Rita est malheureuse. D’abord, parce qu’on lui propose ses scénarios imbéciles. Ensuite, parce qu’elle vient de divorcer de son amour, Orson Welles. Elle a eu, depuis, des liaisons à répétition: avec Glenn Ford (1916-2006), son partenaire dans Gilda. Avec Charles Feldman (1904-1968), son agent. Avec Tyrone Power (1914-1958), star d’Arènes sanglantes. Et toujours avec le producteur Howard Hughes, qui l’a ajoutée à son harem.

Elle n’a pourtant qu’une seule obsession: « Aimez-moi ». Désespérément, elle veut un homme qui l’aime, qui ne la regarde pas comme Gilda ou une déesse. Depuis sa jeunesse, elle court après ce rêve. Elle a besoin de réconfort, de tendresse, de sollicitude.

Le prince Ali Khan est alors le plus célèbre play-boy du monde, un Casanova des temps modernes. Il n’est pas spécialement beau, mais, à trente-sept ans, il a un charme fou. Surtout, il sait comment plaire aux femmes, et a la réputation d’être un amant inégalé.

La princesse Yasmin Aga Khan, sa deuxième fille, naît de cette union. Mais le conte de fées est de courte durée. Rita, qui voulait fuir Hollywood, retrouve d’autres fastes encore plus contraignants. De plus, elle subit les tendances polygames de son mari, ce qui la blesse profondément. Le couple divorce en 1953.

Sa popularité étant toujours grande, elle aborde le genre biblique avec « Salomé ». L’histoire, d’après la pièce de théâtre d'Oscar Wilde, est complètement remaniée pour en faire un film à la gloire de la star. Rita Hayworth reste éblouissante et magnifiquement mise en valeur, jusqu’à la scène qui fera la célébrité du film, celle où elle semble nue, lorsqu’elle exécute la danse voluptueuse des « sept voiles ».

Toujours aussi sensuelle, Rita tourne ensuite « La Belle du Pacifique » et y incarne la prostituée Sadie Thompson, un rôle interprété avant elle par Gloria Swanson et Joan Crawford.

Les années de son retour à Hollywood sont pourtant très difficiles pour Rita. Une bataille juridique l'oppose à Ali pendant plusieurs années pour la garde de Yasmin. Elle a des conflits continuels avec Harry Cohn, et des ennuis avec la Maccarthysme.

En 1954, elle fait un quatrième mariage, qui va s’avérer désastreux, avec Dick Haymes (1918-1980), ancien chanteur. Rita va s'en remettre complètement à un personnage qui va se révéler aussi trouble que l'était son premier mari, Edward C. Judson, ce qui va la mener dans des imbroglios sans fin avec la presse, dans une frénésie médiatique, la justice et sa vie privée.

À la suite des disputes continuelles et des violences perpétrées par son mari, Rita demande le divorce dès fin 1955.

En 1958, Rita épouse son cinquième mari, James Hill (1916-2001), un producteur.

Rita divorce très rapidement de James Hill. En 1961, elle déclarait : « James Hill a été le plus calme et le plus solide de mes maris. Même avec lui, cependant, je n'ai jamais pu construire quelque chose. Il me considérait comme l'une de ses entreprises et son affection pour moi n'a jamais été un véritable amour… Toutes ces expériences négatives de vie commune m'ont écœurée. J'ai sans doute en moi également les germes de cette incapacité à vivre normalement. Ou peut-être que tout simplement ma vie a été une longue erreur dont je suis la principale victime. »

Le déclin de Rita Hayworth s'amorce et, au cours des années 1960, son penchant pour l’alcool se répercute fâcheusement sur son physique et son comportement. Les premiers symptômes de sa maladie apparaissent : Rita est atteinte de la maladie d'Alzheimer. Elle est contrainte de mettre fin à sa carrière et mourra à New-York en 1987.

UN DESTIN TRAGIQUE

Fantasme absolu, consacrée par « Gilda », Rita Hayworth fut et est toujours considérée comme l’une des plus belles femmes américaines de son temps. Pourtant, derrière une sensualité affichée, se cachait une grande fragilité.

Quelle femme ont-ils véritablement aimée, ces amants et ces cinq maris successifs, dont Orson Welles et le prince Ali Khan ? La star ou la véritable Margarita Cancino qui, derrière sa beauté radieuse, cachait un secret tragique ?

Rita dira : « J'ai toujours été utilisée et manipulée par les hommes » (citée par Christian Dureau « Rita Hayworth » (Editions PAC, 1985).

Au sujet de l'image érotique qui lui collera à la peau toute sa vie, elle disait aussi avec amertume : « Les hommes s’endorment avec Gilda et se réveillent avec moi ».

Avec sa célèbre couverture, le magazine Life avait fait d’elle un mythe national, celui de la « Déesse de l’amour ». Cruelle ironie, lorsque l’on sait qu’en coulisses, se cachait une femme maltraitée, exploitée et trompée à maintes reprises par les hommes dont elle tombera amoureuse.

Rita Hayworth ne s’est jamais vraiment remise de l’échec de ses deux grandes histoires d’amour et en particulier son mariage princier, même si elle aura d’autres liaisons, comme Luis Dominguin (1926-1996), le toréador, l’acteur britannique Peter Lawford (1923-1984), le beau-frère du président Kennedy, Robert Mitchum (1917-1997), avec qui elle tourne « L’enfer des tropiques ».

REFERENCES

Parmi les biographies, je citerai :

• Barbara Leming: « Rita Hayworth » (Ramsay, 2008)

• Stéphanie Des Horts : « Le secret de Rita H » (Albin Michel, 2013)

Outre l’article Wikipédia, je signale sur le Web :

• https://www.marieclaire.fr/rita-hayworth-la-deesse-de-l-amour,1237648.asp

• https://teleobs.nouvelobs.com/actualites/20160803.OBS5782/rita-hayworth-l-incomprise.html

• Un article sur le mariage avec Ali Khan :
https://www.gala.fr/l_actu/news_de_stars/l_homme_qui_a_detruit_leur_vie_rita_hayworth_et_ali_khan_322288

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